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L’« homme rongeur », le nouvel idéal masculin

Difficile de passer à côté. Depuis des mois, les réseaux sociaux s’enflamment sur ce nouveau sociotype qui désigne les hommes ressemblant à des rongeurs tout en étant séduisants, ce qui donne en anglais hot rodent men. Ils seraient caractérisés par un visage asymétrique comprenant plusieurs caractéristiques : un nez allongé, des oreilles légèrement tombantes, voire décollées, des yeux rapprochés et, de manière générale, des traits fins et une silhouette relativement peu musclée. Un physique loin des canons de beauté masculins classiques, mais qui serait désormais irrésistible. Au point qu’un acronyme évocateur est même apparu, les RILF (Rodent I’d like to fuck).
Parmi les « hommes rongeurs » les plus symboliques, on trouve des acteurs comme Timothée Chalamet, Jeremy Allen White (le héros de la série The Bear), Josh O’Connor et Mike Faist (les acteurs du film Challengers), ou encore Adam Driver. En France, revient souvent le nom de Pierre Niney.
Or, de nombreux hommes estiment que cette appellation, sous couvert de mignonnerie, est en réalité insultante. « Honnêtement, qui serait content d’être comparé à un rat ? C’est ridicule », condamne un anonyme sur X. D’autres pointent du doigt le manque de cohérence de ces « têtes d’affiche », puisque, par exemple, Jeremy Allen White, qui a fait la dernière campagne de pub Calvin Klein, incarne l’archétype de la virilité. Ses fans répondent précisément que c’est ce qui fait de lui un rongeur torride… En clair, le sociotype de l’homme rongeur n’est pas exempt de contradictions.
Mais, au-delà de la tendance, le terme est révélateur de transformations plus profondes. Les hommes rongeurs mettent à mal la hiérarchie classique de la beauté masculine et, au passage, le clivage traditionnel homme-femme. Le sociologue Daniel Welzer-Lang, spécialiste des masculinités et auteur du livre Autobiographie d’un mec sociologue du genre (Erès, 2022), explique : « C’est un phénomène assez logique. Le rapport à la masculinité évolue en même temps que les avancées pour les droits des femmes et des LGBTQI. Les femmes et les hommes progressistes se tournent de plus en plus vers des hommes loin des schémas traditionnels. L’homme-rongeur est plutôt fluet, avec un petit côté discret et intello. Il ne fréquente pas les salles de sport et ne met pas sa virilité en avant. »
De fait, à une époque où les réseaux sociaux véhiculent l’image du corps parfait et soigneusement entretenu, l’homme rongeur séduit par son côté décalé. « Beaucoup de femmes qui ont été en contact avec la violence sont rassurées par des hommes qui n’envoient pas des signaux de masculinité dominante, analyse Daniel Welzer-Lang. Il y a cinquante ans, l’emblème de la virilité était Alain Delon, le “Guépard”. Aujourd’hui, cette image de virilité prédatrice est sérieusement malmenée. »
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